Plaine du Roussillon depuis les Albères. A. Delage, 26.08.2018.
Présentation du projet de recherche
Le projet de recherche formule l’hypothèse générale que les politiques de sobriété foncière et de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers — dont l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) —, visant à répondre à des objectifs environnementaux vont créer de la pénurie artificielle sur le marché du logement. En outre, le choc de densification afférent à leur mise en application serait susceptible d’accélérer la crise du logement, et donc d’accentuer des déséquilibres sociaux (décohabitation tardive, relégation, cabanisation, migrations, reports) que l’on observe déjà dans des zones résidentielles tendues. Toutefois, dans le cadre d’une approche systémique entre zones tendues et détendues, ces politiques pourraient aussi remplir des objectifs de justice sociale et d’équité spatiale, transrégionales sous certaines conditions d’application, et servir de levier de développement à certains territoires. Autrement dit, d’une contrainte légale dans un horizon réglementaire déjà très encombré, la sobriété foncière pourrait libérer un potentiel de croissance, de développement et de justice spatiale au sein des territoires et entre différents types de territoires dans une perspective régionale ou nationale.
Pour ce faire, l’étude se décline en trois grands objectifs : analyser les temporalités et les modalités différentiées de formalisation et d’incorporation des enjeux de la sobriété foncière dans les outils et les dispositifs de la régulation publique ; analyser la variabilité des conditions d’application de la sobriété foncière et de la densification immobilière par la réalisation de transects territoriaux ; enfin, établir une typologie d’enjeux résidentiels de la sobriété foncière concernant les questions de justice spatiale dans la perspective d’une aide à la décision publique et privée.
Financement
Le projet est financé dans le cadre du programme de recherche “Les défis économiques d’un foncier et d’un logement abordables (2022-2025)” par un collectif de 16 organisations coordonné par l’Union sociale pour l’habitat. Cliquez ici pour vous rendre sur la page du projet.
2025, année millésimée sans TRACE de sulfite mais avec présence fortement possible de ZAN dans les territoires.
Pour bien commencer cette nouvelle année et l’an III de ses activités, l’équipe RésiZAN vous présente tous ses vœux de bonheur et de réussite, et vous remercie chaleureusement pour votre accompagnement et votre soutien l’an passé. En vrac mais avec transition, l’actualité 2025 sera dynamique, avec quatre séances de webinaire, un séminaire de recherche en Guyane, l’ouverture d’un dossier spécial « sobriété foncière » au sein de la revue Métropolitiques, la publication de plusieurs articles en cours, une collaboration avec la revue Géoconfluences sur une série de transects d’aménagement, la sortie de plusieurs études et rapports, le recrutement de stages, un atelier de master sur les villes petites et moyennes d’une partie d’Auvergne-Rhône-Alpes, et plein d’autres choses que l’on brûle de vous annoncer bientôt.
2025 marque aussi un nouveau tournant de nos travaux. La territorialisation du ZAN est « so 2024 » ! 2025 sera l’année du logement social et abordable en perspective ZAN.
2025 est aussi l’année d’accélération de notre économétrie des prix immobiliers pris entre le choc de densification et le choc de vieillissement de la population. De tous premiers résultats devraient être disponibles bientôt.
Enfin, 2025 sera aussi l’année du clap de fin de nos activités, avec un achèvement des travaux attendu au 31 décembre 2025… ou pas ! Car la sobriété foncière en perspective ZAN n’a pas fini de faire couler l’encre de l’équipe RésiZAN – et la vôtre aussi, très probablement. Plus de précision sur l’avenir du collectif au fur et à mesure de l’avancée de l’année.
En attendant des précisions sur un éventuel an IV, célébrons ensemble 2025 et les 11 mois et demi intenses et passionnants de travaux à venir.
RésiZANément vôtre, L’équipe
RAPPEL
La séance d’hiver du séminaire RésiZAN est prévue aujourd’hui, lundi 20 janvier 2025. Entièrement en anglais, elle durera deux heures et commencera à 6h30 à Havard, Ottawa et Toronto, 7h30 dans les Antilles françaises, 8h30 en Guyane, 12h30 en Suisse, Belgique et France hexagonale et 20h30 au Japon. La séance sera consacrée au bilan des activités de 2024 et à la présentation d’un des cas d’étude retenu par l’équipe : la vallée de l’Ondaine.
Le lien Zoom est le suivant : https://unige.zoom.us/j/62848672244
Comme l’an passé, l’équipe RésiZAN est heureuse de publier le rapport annuel des activités de recherche menées en 2024. Ce rapport est composé d’un document principal de 49 pages (téléchargeable ci-après) et de près de 500 pages d’annexes (disponibles uniquement aux bailleurs du projet, à ses partenaires institutionnels et aux membres de son comité scientifique).
Image de couverture du Rapport d’activité 2024. Annemasse entre lac et montagne, sous la pression de la construction de logements de masse dans le Genevois. Cliché par Raphaël Languillon-Aussel, 2021.
Couverture du document principal du rapport.
Le document principal du rapport téléchargeable ici :
La mise en œuvre et la réception du zéro artificialisation nette (ZAN) dans la Plaine du Roussillon, par Enhui FANG
Sous la direction de Sébastien GADAL et Sébastien BRIDIER, Université d’Aix Marseille
Stage effectué à l’Université de Perpignan Via Domitia, sous la responsabilité de David GIBAND et Aurélie DELAGE
Soutenu à l’Université d’Aix Marseille en septembre 2024
Plaine du Roussillon depuis les Albères, par Aurélie Delage, 2018
Ce mémoire de stage s’inscrit dans le contexte plus large d’une exploration des alternatives au modèle de développement basé sur l’artificialisation des sols. La ZAN (Zéro Artificialisation Nette) vise à préserver les espaces naturels en limitant au maximum l’expansion urbaine et l’artificialisation des terres. Dans la plaine du Roussillon, ce concept est crucial pour imaginer un développement territorial durable, conciliant protection de l’environnement et besoins socio-économiques. Le travail d’Enhui FANG consiste à analyser comment le ZAN est appliqué dans la région, et quelles alternatives innovantes peuvent être envisagées pour soutenir un développement plus respectueux des ressources naturelles et des dynamiques locales.
Réalisation : Enhui FANG, 2024
Ce stage s’est effectué dans le cadre du programme de recherche « Le logement en choc de densification. Aménager les territoires résidentiels face aux enjeux de sobriété foncière et de justice spatiale ». L’objectif de cette recherche est d’analyser les impacts de la mise en place du Zéro Artificialisation Nette (ZAN) sur les divers secteurs du logement et de l’investissement résidentiel dans des territoires de typologies spatiales soumis à des trajectoires très hétérogènes en métropole comme dans les outre-mer. Le stage porte sur l’un des terrains d’analyse retenu par l’équipe : la Plaine du Roussillon. Le stage a été conduit en partenariat avec l’agence d’urbanisme Catalane Pyrénées Méditerranée et l’unité mixte de recherche ART-dev. Ce travail comprend plus d’une centaine de cartes et une trentaine de figures.
Un mémoire disponible sur demande auprès de enhuifang7@gmail.com ou rlanguillon@gmail.com
L’Etat et les collectivités territoriales : une étude multiscalaire de la mise en œuvre du Zéro Artificialisation Nette, par Raph DENIS
Sous la direction de Fabrice Bardet, Université de Lyon
Stage effectué en collaboration avec l’Université de Perpignan Via Domitia, sous la responsabilité de David GIBAND et Aurélie DELAGE
Soutenu à l’ENTPE en septembre 2024, mention très bien
Ce travail de sociologie politique est le fruit d’un terrain de cinq mois dans la vallée de l’Ondaine dans le cadre d’un mémoire de master. Il vise à étudier la mise en œuvre de la politique publique de sobriété foncière française. Il s’attache à l’analyse des relations complexes entre les différents échelons territoriaux, à l’étude des personnages politiques qui font le lien entre politics et policies, et à l’explicitation du rapport de gouvernement de l’État sur les territoires, à la fois gouvernement à distance et territorialisation.
Un mémoire disponible sur demande auprès de raphdenis6@gmail.com ou rlanguillon@gmail.com
De l’injonction à la sobriété foncière à l’accès au logement : territorialiser une loi nationale dans un contexte local sous tensions. Enquête sur la réception de la sobriété foncière en perspective ZAN dans le Genevois français, par Camille AURIAC
Sous la direction de Vincent BEAL (Université Jean Monnet Saint-Etienne) et de Raphaël LANGUILLON (IFRJ, UMIFRE 19)
Stage effectué à l’Université de Perpignan Via Domitia, sous la direction de David GIBAND
Soutenu à l’Université Jean Monnet Saint-Etienne en septembre 2024, mention très bien
Centre-ville de Genève. Par R. Languillon, 2022
Construction dans le Genevois français. Par Camille Auriac, mai 2024
“Sur la décennie précédente [2013-2023], 24 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers ont été consommés chaque année en moyenne en France, soit près de 5 terrains de football par heure” nous explique le Portail du Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires dans un article de 2023. Pourtant, l’artificialisation des sols engendre certains effets sur l’environnement et accélère sa dégradation : érosion de la biodiversité, réduction des terres agricoles, accentuation des risques d’inondation, création d’îlots de chaleur en zone urbaine etc.
À la racine de ce phénomène, la construction de nouveaux logements se révèle être le principal moteur de l’artificialisation des sols, représentant 65 % de cette tendance selon un rapport du CEREMA de 2023. L’augmentation démographique n’explique pas à elle seule cette consommation foncière. Si l’artificialisation des sols à augmenté de 70% depuis 1981, la population n’a augmenté que de 19%. Les causes de ce décalage entre le rythme de croissance de l’artification et de la croissance démographique sont multiples : le prix du foncier moins élevé en périphérie, les politiques fiscales et réglementaires incitant à la construction d’habitat neuf notamment en périphérie, la préférence pour l’habitat individuel, tout autant de facteurs conduisant à l’étalement urbain. En effet, le modèle du lotissement pavillonnaire en zone périurbaine a joué un rôle notable dans les dynamiques d’artificialisation nationales. Il séduit encore beaucoup et demeure utilisé par les territoires comme outil d’attractivité. Mais le modèle pavillon-jardin-voiture, pourtant ancré dans les imaginaires, n’est plus soutenable et est même une impasse écologique. Face à ces constats, des expressions telles que la “sobriété foncière”, “reconstruire la ville sur la ville”, “renouvellement urbain” ou même “densité” sont devenues incontournables dans le vocabulaire de la production de l’urbain.
Dans ce contexte, la France s’est fixée dans le cadre de la loi “Climat et résilience” du 22 août 2021, avec la Zéro Artificialisation Nette (ZAN), l’ambition de prendre en compte les conséquences environnementales dans l’aménagement des sols. Cette loi s’articule autour de deux séquences : diviser par deux le rythme d’artification d’ici 2030, afin d’atteindre d’ici 2050 la Zéro Artificialisation Nette4. L’objectif à long terme sera donc d’atteindre un solde nul entre artification et désartificialisation des sols. Le ZAN, adopté à l’échelle nationale et obligatoire, devra être territorialisé à l’échelle locale. Les objectifs de la loi Climat et Résilience devront être traduits dans les Schémas Régionaux d’Aménagement de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET) en février 2024, dans les SCOT d’ici août 2026, puis dans les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) d’ici août 2027.
Si la nécessité de réduire l’artificialisation des sols est partagée par une grande majorité, les modalités d’application du ZAN ne sont pas sans faire débat parmi les élus et acteurs du logement. Alors même que la convention citoyenne pour le climat, dont a émergé l’objectif de sobriété foncière, avait largement revu ses objectifs à la baisse, le dispositif ZAN est aujourd’hui critiqué de tous côtés, à la fois jugé trop faible par certaines associations ou au contraire d’être déconnecté des enjeux et des besoins du territoire. Prenant position contre le ZAN, le président de région Auvergne Rhône Alpes, Laurent Wauquiez s’était farouchement opposé à cette loi jugée “ruralicide” et “technocratique”, notamment en ce qu’elle impose de manière très uniforme une même règle à l’ensemble des territoires, sans prendre en compte les dynamiques locales, les évolutions démographiques et les besoins en matière de logement. La réception du ZAN traduit la perception que “la bonne santé” des territoires est jaugée par leur capacité à se développer, de croître, dont l’étalement urbain semble une condition sine qua non. Dans ce contexte, le ZAN s’impose à rebours d’un paradigme de la croissance se matérialisant très concrètement par l’étalement urbain. Cela nous amène à nous questionner sur la réception à l’échelle locale de cette politique nationale, s’imposant à la fois comme une remise en question des pratiques d’aménagement de ces dernières années et plus largement du paradigme de croissance territoriale par étalement urbain et régional.
Le “Grand Genève”, dénommé ainsi depuis 2012, est une métropole transfrontalière de plus d’un million d’habitants située entre le France et la Suisse. Fruit d’une coopération transfrontalière initiée en 1973, le Grand Genève est à la fois un bassin de vie et une instance juridique de droit Suisse. Avec un taux de croissance moyen annuel de 1,4% au cours des 3 dernières années, le Pôle Métropolitain du Genevois français se positionne parmi les territoires les plus dynamiques d’Europe. Fruit d’une coopération initiée en 1973, le Grand Genève est à la fois un bassin de vie et une instance juridique de droit Suisse. Il comporte les communes du canton de Genève, le district de Nyon et le Pôle métropolitain du Genevois français, également appelé genevois français. Le Grand Genève se distingue par son mode de gouvernance particulièrement atypique, où coexistent les législations françaises et celles des cantons suisses de Genève et de Vaud. Chaque année, il accueille 6000 nouveaux habitants et enregistre environ 650 000 passages de douane par jour aux frontières du canton de Genève. Face à des dynamiques démographiques exceptionnelles, directement influencées par l’attractivité économique de Genève, le Genevois a consommé 1358 hectares d’ENAF entre 2011 et 2020. Dans ce contexte hors normes, l’impératif de sobriété foncière s’imposant avec la loi “Climat et Résilience” bouscule alors un schéma d’aménagement du Genevois français orienté vers l’étalement urbain et le modèle pavillonnaire.
Un mémoire disponible sur demande auprès de rlanguillon@gmail.com
L’étude de cas sur la vallée de l’Ondaine permet de déconstruire l’idée selon laquelle la lutte contre l’artificialisation serait plus facile dans un territoire à faible pression démographique et doté de friches industrielles.
Certes le territoire dispose d’une ingénierie du recyclage foncier des friches, mais cette requalification reste complexe, coûteuse et pourvoyeuse d’un foncier contraint (dans sa localisation, ses formes et tailles, ses usages futurs limités pour du résidentiel, a fortiori dans un territoire où l’imaginaire productif reste prévalent).
Certes le marché foncier et immobilier est globalement détendu, mais cela n’empêche pas des formes de tensions moins visibles, qui obèrent des parcours résidentiels de ménages modestes
Dans un territoire où le recyclage foncier est déjà une pratique courante, intégrée, le ZAN ne constitue pas vraiment une rupture dans les pratiques en ce qui concerne le foncier d’activités, ni même pour l’extension pavillonnaire dans des communes avec un nombre très limité de permis de construire sur les dernières années. En revanche, le ZAN donne l’espoir d’une limitation des formes de concurrence extra-territoriale en matière de logement individuel ou pour certains fonciers d’activités, et d’une revalorisation des centres-bourgs dégradés.
Le cadre législatif mouvant du ZAN oblige comme ailleurs les acteurs locaux à s’organiser, pris ici entre un Etat déconcentré très présent, et une gouvernance intercommunale, certes volontaire mais fragile, ce qui rend plus difficile de sortir d’un débat chiffré – rassurant – sur la sobriété foncière pour construire un projet de territoire.
Un territoire « détendu – tendu »
Peuplée de 50 000 habitants environ, la vallée de l’Ondaine s’étend sur une dizaine de kilomètres au sud-est de Saint-Etienne, en limite de département de la Haute-Loire. Ancien haut-lieu de l’industrie minière et métallurgique, elle a connu un lent déclin économique et démographique (- 28% de sa population entre 1968 et 2020, près d’un habitant sur deux dans certaines communes). Ce déclin culmine dans les années 1990 ; aujourd’hui la population est stable, voire en très légère progression.
Le choix de ce terrain d’étude a été motivé par son côté a priori exemplaire d’un territoire où le ZAN devrait « ne pas poser de problème », compte tenu de la faible pression démographique et de son grand nombre de friches, ce qui engendrerait une moindre pression sur les ENAF. Le très fort vieillissement de ses habitants (dans certains quartiers, près de la moitié de la population a plus de 65 ans), et la libération prévisible dans quelques années de leurs logements, faciliterait également l’application du ZAN, grâce à la disponibilité d’un patrimoine bâti à réhabiliter.
Figure 1 : Transect de la vallée de l’Ondaine (R. Denis, A. Delage, 2024).
Marquée par son passé ouvrier, la vallée de l’Ondaine est un territoire pauvre, qui concentre de nombreuses marques de difficultés sociales, en particulier dans le fond de vallée : fort taux de chômage, notamment chez les jeunes, taux de pauvreté élevé, nombreuses familles monoparentales, etc. Dans l’ensemble c’est une population assez captive du territoire – les barrières sont sans doute autant mentales que physiques car le fond de vallée est très bien desservi.
Au regard des dynamiques immobilières nationales, le territoire est « détendu » en raison de la faiblesse des valeurs immobilières à l’achat. Le secteur de la construction est particulièrement atone, avec une quasi absence de constructions neuves dans la vallée de l’Ondaine au cours des dernières années. L’enquête de terrain révèle néanmoins d’autres formes de tension du marché immobilier : ce marché est étroit et « visqueux » du fait du faible nombre de transactions. L’opposition entre le fond de vallée concentrant du logement collectif dégradé et les coteaux de pavillons aux vues dégagées introduit une distorsion micro-locale du marché immobilier. Enfin, le logement inconfortable du parc privé peut constituer une alternative prisée au logement social quand ce dernier devient inabordable aux plus modestes(voir paragraphe de fin).
Le ZAN, ou comment « reprendre la main » pour les collectivités territoriales
En Région Auvergne-Rhône-Alpes, le ZAN est instrumentalisé par son président Laurent Wauquiez à des fins politiques personnelles : cela se traduit par une territorialisation a minima, c’est-à-dire arithmétique, sans différenciation territoriale. Au niveau intercommunal, où le PLUi est en cours de rédaction, Saint-Etienne Métropole opère un choix de rupture, en mettant en place une territorialisation doublement différenciée du ZAN à travers deux arbitrages : le premier, intégrant une dimension rétrospective, entend pénaliser les communes ayant fortement consommé du foncier par le passé. Le second prévoit une clé de répartition de l’artificialisation, pour 1/3 à des fins résidentielles, et 2/3 à des fins économiques.
Dans ce cadre général, il s’avère que le ZAN est plutôt bien accueilli dans l’espoir de lutter contre les formes de concurrence « déloyale » des territoires voisins. Par la tension foncière qu’il induit sur l’urbanisme résidentiel en extension, le ZAN est en effet perçu comme un moyen de redonner de la valeur au fond de vallée dégradé sous l’effet combiné de l’arrêt de la concurrence des coteaux, et de l’orientation de l’action publique en faveur des centres bourgs (requalification des friches, lutte contre la vacance commerciale, soin des espaces publics, etc.). Finalement, pour la vallée de l’Ondaine, le ZAN fait figure de levier (inespéré ?) d’attractivité dans un territoire qui en manque cruellement depuis de nombreuses années.
La justice spatiale au défi du stock de logements existants ?
L’enjeu et la difficulté est de favoriser des parcours résidentiels dans un territoire où l’offre est contrainte matériellement (quasi impossibilité de construire en extension, coût des requalifications) et immatériellement (représentations négatives). La vallée de l’Ondaine constitue un angle mort territorial, du fait de son fonctionnement interne propre (notamment au sein du parc social avec des souhaits de relocalisation de proximité), et des forces centrifuges pour les ménages solvables et certaines activités (voir transect), combinées à de faibles flux entrants dans ces deux domaines.
A l’échelle du Sud-Loire : sortir du stigmate de la vallée de logements sociaux
Au-delà des représentations stigmatisantes, la vallée de l’Ondaine souffre de la concurrence d’espaces résidentiels plus amènes et moins chers (coteaux, Gorges de la Loire), mais aussi d’espaces d’activités mieux connectés aux logiques métropolitaines lyonnaises (vallée du Giers) ou économiques locales (plaine du Forez). Pour partie, la fragmentation administrative empêche une action à l’échelle du bassin de vie (Haute-Loire, aux documents d’urbanisme plus permissifs), mais pour partie seulement. Pour sortir du stigmate de la vallée de logements sociaux, la marge de manœuvre est étroite : la collectivité locale ayant hiérarchisé l’activité économique comme principale source d’artificialisation des sols, cela accroît la pression à la requalification urbaine dans les espaces déjà urbanisés pour un usage résidentiel, c’est-à-dire dans un territoire globalement déconsidéré, et dont la vocation industrielle est réaffirmée puisque les friches industrielles ont globalement vocation à conserver cet usage économique. Dans des parcours résidentiels où la maison individuelle fait figure d’ascension sociale, l’offre en la matière reste réduite localement, surtout dans les communes les plus proches de Saint-Etienne.
A l’échelle de la vallée de l’Ondaine : des logements requalifiés abordables pour qui ?
La lutte contre l’habitat indigne est engagée depuis de nombreuses années, et la mise à niveau énergétique des logements sociaux est en cours. Au-delà de la disponibilité foncière, se pose la question du modèle économique, aussi bien pour les propriétaires bailleurs privés que pour les bailleurs sociaux. Pour les premiers, la faiblesse des loyers rend plus difficile l’amortissement de l’investissement consenti pour des travaux. Pour les bailleurs sociaux, la reconfiguration générale de leur modèle économique les pousse à délaisser le segment le plus social des logements au profit de celui à destination des ménages de classes moyennes inférieures (Herrault, 2024[1]), afin de mieux équilibrer les opérations de construction ou de requalification. Dans un territoire où deux tiers des ménages sont éligibles au PLUS et au PLAI (et où plus de la moitié des occupants d’un logement social sont en PLAI), cette évolution globale est à documenter localement afin de voir les conséquences socio-spatiales de ces changements, ainsi que celles de la relocalisation des ménages dans des logements neufs aux loyers plus élevés (901 logements seront détruits entre 2016 et 2026). En creux, affleure la question du logement social par défaut dans le parc de logements anciens inconfortables comme alternative pour les ménages les plus précaires.
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Ce billet s’appuie sur le travail mené par Raph DENIS dans le cadre de son stage de 6 mois au sein de l’équipe de recherche, sous la direction de Aurélie Delage et David Giband. Il a bénéficié d’un suivi de la part d’Epures, l’agence d’urbanisme des territoires ligériens.
Réinvestir les centres-bourgs dans un objectif de Zéro Artificialisation Nette et de justice spatiale, par Lucie JEAN
Sous la direction de Fanny VUAILLAT
Sous la responsabilité scientifique de Raphaël LANGUILLON (IFRJ, UMIFRE 19) et Max ROUSSEAU (ENTPE)
Stage effectué auprès de l’Etablissement Public Foncier Terres Caraïbes, sous la direction de Corine VINGATARAMIN
Soutenu à l’Université Grenoble Alpes en septembre 2024
Dans la perspective du déploiement de la sobriété foncière en perspective ZAN, le réinvestissement et la revitalisation des centres-villes est un sujet primordial qui répond aux enjeux environnementaux contemporain. Cependant, en Guadeloupe comme dans de nombreux territoires de France hexagonale ou d’Outre-mer, les espaces urbains centraux ont perdu de leur attractivité au profit de zones plus excentrées. De fait, sur le territoire guadeloupéen, les centres-bourgs sont en partie délaissés. Les populations demeurant sur place sont souvent les plus défavorisées, résidant dans des espaces insalubres. Dans ces espaces-là, beaucoup de logements ou de locaux commerciaux sont laissés vacants.
Cette vacance résidentielle et le manque de moyens génèrent dans le tissu urbain ce que l’on appelle des “dents creuses”, des espaces vides entre deux bâtiments. Ce mémoire de master cherche à identifier, qualifier et mesurer les dents creuses dans le centre de Pointe-à-Pitre, évalue les divers usages sociaux dont ils sont l’objet et discute de leur potentiel réutilisation dans le cadre de la remobilisation de la ville sur la ville à laquelle encourage la sobriété foncière en perspective ZAN.
Un mémoire disponible sur demande auprès de luciemc.jean@gmail.com ou de rlanguillon@gmail.com
La politique de la sobriété foncière en Guadeloupe : de la controverse aux jeux d’acteurs formés autour de la renaturation des sols exposés au recul du trait de côte, par Juliette NERVET
Sous la direction de Raphaël LANGUILLON (IFRJ, UMIFRE 19) et Max ROUSSEAU (ENTPE)
Stage effectué auprès de l’Etablissement Public Foncier Terres Caraïbes, sous la direction de Corine VINGATARAMIN
Soutenu à l’Université Paris Cité en septembre 2024, mention très bien
Issue d’un stage de six mois effectué au sein de l’EPF Terres Caraïbes, en Guadeloupe, cette étude de 150 pages analyse les enjeux que le recul du trait de côte pose à la sobriété foncière en perspective ZAN et à la renaturation des espaces caribéens. Partant du constat d’une apparente opposition entre les enjeux du ZAN et ceux de la relocalisation des populations et des activités menacées par le recul du trait de côte, ce mémoire cherche d’une part à en analyser les enjeux socio-politiques et les jeux d’acteurs, et d’autre part à discuter l’idée d’une possible convergence entre les enjeux de la relocalisation, ceux de la renaturation et ceux de la sobriété foncière.
Le rapport de master de Juliette NERVET s’appuie principalement sur une revue de littérature complète, un diagnostic territorial, de très nombreuses observations de terrain, la réalisation d’une vingtaine d’entretiens semi-directifs auprès d’acteurs du logement et de l’aménagement en Guadeloupe, et un travail cartographique.
Les conclusions du rapport ont vocation à alimenter une réflexion sur le changement de paradigme auquel fait face l’aménagement du territoire dans les Outre-mer dans le cadre de la loi ZAN, et tout particulièrement en Guadeloupe.
Un mémoire disponible sur demande auprès de juliette.nervet@gmail.com ou de rlanguillon@gmail.com
Les Antilles françaises en perspective ZAN : dynamiques démographiques et immobilières en Guadeloupe et Martinique
Synthèse de trois études flash – Septembre 2024
La Guadeloupe et la Martinique font actuellement face à des enjeux démographiques, territoriaux et immobiliers importants. La recrudescence des aléas climatiques, le recul du trait de côte ainsi que la mise en place future du ZAN (zéro artificialisation nette), vont réduire à moyen et long termes la surface constructible et fortement impacter la capacité des Antilles françaises à répondre aux enjeux de leur aménagement. Pour poser les jalons d’une réflexion sur les enjeux démographiques et immobiliers des Antilles françaises en perspective ZAN, l’équipe RésiZAN publie, en collaboration avec le département de gestion et finance de l’Université de Paris Dauphine-PSL, une succession de trois études flash sur les dynamiques démographiques, résidentielles et immobilières (commerces et bureaux) en Guadeloupe et en Martinique, synthétisées dans un nouveau rapport disponible ci-dessous en open access.
L’étude de l’évolution des prix de l’immobilier commercial en Guadeloupe et en Martinique représente un défi étant donné le faible volume d’information disponible et les pratiques des acheteurs qui vont plutôt privilégier des détentions de longues durées. Pour les bureaux, les marchés sont très concentrés : dans la communauté d’agglomération de Cap Excellence en Guadeloupe (par exemple dans la zone de Jarry) ; dans la communauté d’agglomération du centre de l’île pour la Martinique (notamment dans la commune de Fort-de-France). En ce qui concerne les commerces, on observe aussi un effet de concentration des parcs dans ces deux territoires mais cet effet est plus faible que pour les bureaux.
Figure 1 : Evolution des prix des bureaux et des commerces entre 2011 et 2022.
L’étude de l’évolution des prix et des volumes de mètres carrés échangés suggère un accroissement de l’activité de transaction au milieu de la décennie 2010. Ce phénomène pourrait être dû à la livraison de nouveau parcs de bureaux mais est aussi concomitant du début du programme de quantitative easing mené par la banque centrale européenne. Cet accroissement très fort des prix tend à questionner le rôle des politiques monétaires européennes sur les territoires ultrapériphériques de l’Union. La littérature tend plutôt aujourd’hui à montrer que les liquidités excédentaires se concentrent principalement dans les grands marchés d’Europe de l’Ouest, en particulier dans les métropoles allemandes. Néanmoins certains marchés dit « périphériques » pourraient aussi être amenés à capter des liquidités significatives par rapport à leur taille, ce qui pourrait avoir causé un renchérissement du prix de l’immobilier : la question se pose pour les Antilles françaises.
Figure 2 : Evolution annuelle de la quantité totale de mètres carrés échangés en Guadeloupe (en haut) et Martinique (en bas).
Synthèse d’une étude flash réalisée en septembre 2024 par Jérôme PICAULT.