La plaine du Roussillon depuis les Albères. A. Delage, 26 août 2018
La plaine du Roussillon est un terrain d’observation privilégié de la mise en œuvre du ZAN : à la fois représentatif des tendances nationales d’une intense consommation foncière, particulièrement exacerbée dans la deuxième couronne périurbaine et sur le littoral, ce territoire voit son rapport historiquement rentier au foncier percuté de plein fouet par l’impératif de sobriété.
L’attractivité démographique continue (3000 nouveaux arrivants par an) alimente une offre immobilière où domine le lotissement pavillonnaire, faiblement régulé par la planification locale et moteur de l’économie du territoire. Mais les tensions foncières sont multiples entre usages agricoles, résidentiels ou touristiques, et exacerbées récemment par le manque d’eau. Surtout, ce dynamisme résidentiel masque difficilement d’autres enjeux liés à la précarisation de la population locale (taux de pauvreté : 32%) : soumis à une forte demande, le parc de logements souffre de nombreuses carences que la faible solvabilité des ménages entretient voire accroît.
Notre étude analyse les modalités de la réception du ZAN sur l’ensemble des acteurs de la chaine du logement à travers une approche qualitative (analyse des documents d’urbanisme, entretiens semi-directifs, élaboration d’un transect). Au-delà des constats initiaux de refus du ZAN, voire de son déni au sein de la société locale, nous cherchons à identifier les points de blocage mais aussi d’anticipation afin de cerner les enjeux que révèlent le ZAN (report de la tension foncière sur l’arrière-pays, accès aux logements abordables, montée en gamme de certains territoires) ainsi que les potentialités qui peuvent s’offrir (mutations du parc touristique, potentiel inexploité de la vacance résidentielle).
Trois éléments ressortent des premières investigations :
- 1) le ZAN remet en cause un modèle de développement local fondé sur la construction en extension ; ce choc est assimilable à celui de la désindustrialisation des années 1970,
- 2) le ZAN produit de premiers effets de différenciation territoriale : anticipation pour certains territoires, opportunité de montée en gamme pour d’autres,
- 3) des nouvelles tensions apparaissent sur certains segments de logements (logements abordables et inconfortables) et territoires (petites villes de l’arrière-pays).
Méthodologie du transect :
Nous testons l’approche par transect afin de saisir non seulement la diversité des situations territoriales rencontrées dans le département des Pyrénées-Orientales mais surtout leur articulation entre elles. Inspirée de la méthodologie des transects urbains (tracer une ligne du centre à la périphérie et étudier la diversité des formes urbaines), nous la couplons à celle de la coupe géologique (étude du substrat géologique à l’échelle d’un bloc de plusieurs kilomètres), pour spatialiser les dynamiques observées sur un bassin de vie en les reliant aux caractéristiques typo-morphologiques des territoires (type de bâti, qualité paysagère, présence d’infrastructures structurantes). Cette représentation graphique permet de comprendre de façon dynamique les flux de population (report, zones de tension, angles morts), et de les territorialiser au regard des politiques publiques nationales touchant ces différents types d’espace ainsi que des stratégies de développement local, le prisme ici retenu étant celui du foncier.
En l’occurrence, notre transect suit le fleuve côtier de la Têt : il part de son embouchure (stations touristiques du littoral), vers la plaine (agricole) du Roussillon qu’il irrigue, en passant par le cœur d’agglomération, Perpignan, puis en traversant ses couronnes périurbaines avant de remonter la vallée qui s’enfonce dans les contreforts pyrénéens (le Conflent).