Face à des dynamiques démographiques exceptionnelles, directement influencées par l’attractivité économique de Genève. Le Genevois français se distingue par une consommation foncière qui dépasse largement les tendances nationales. Dans ce contexte hors normes, l’impératif de sobriété foncière s’imposant soudainement avec la Zéro artificialisation Nette bouscule alors un schéma d’aménagement du territoire historiquement orienté vers l’extension urbaine et le modèle pavillonnaire.
Avec un taux de croissance moyen annuel de 1,4% au cours des 3 dernières années, le Pôle Métropolitain du Genevois français se positionne parmi les territoires les plus dynamiques d’Europe. Chaque année, il accueille 6000 nouveaux habitants et enregistre environ 650 000 passages de douane par jour aux frontières du canton de Genève. Alors que la Suisse concentre le cœur économique du Grand Genève, le Genevois français opère la construction de logements pour accueillir les travailleurs suisses, alimentant production de logement, une hausse des prix, ainsi qu’une artificialisation intense basée sur le modèle de l’extension urbaine. Le marché immobilier est alors emblématique de territoires avec des décrochages de prix extrêmement forts par le haut, éloignant les ménages les plus modestes et intermédiaires en dehors de l’agglomération transfrontalière.
Notre étude porte son regard sur la réception et la mise en place de cet objectif de sobriété foncière dans le Genevois ainsi qu’à ses implications quant à la production de logements, le tout en rapport avec le contexte transfrontalier. Notre approche est à la fois qualitative (entretiens semi-directifs, cartographie d’acteurs et élaboration d’un transect) et quantitative (analyse statistique de la consommation foncière, de la croissance démographique et des besoins en logement). Cela nous permettra de mesurer et renseigner les enjeux d’artificialisation des sols dans le Genevois, ainsi que d’éclairer les postures et les débats quant à la réception et la mise en place du ZAN.
A ce stade de la recherche, quelques éléments peuvent-être observés :
- Le ZAN remet en question le modèle de l’extension urbaine reposant sur le modèle pavillonnaire sur lequel s’est longtemps constitué le développement du Genevois français. Alors que certains territoires s’inscrivent dores et déjà dans des stratégies de sobriété foncière du fait de la pression foncière et de la proximité avec la frontière, des territoires plus pavillonnaires, à l’imaginaire rural, subissent l’arrivée du ZAN comme un choc.
- La ZAN ne pose pas les mêmes enjeux et problématiques selon les territoires du Genevois Français. Les communes ayant déjà consenti des efforts considérables en termes de maîtrise foncière, de renouvellement urbain et de densification, se retrouvent davantage handicapées dans leur capacité de répondre à la demande de logements, notamment pour les ménages modestes et intermédiaires. Les communes les plus aisées, caractérisées par un habitat majoritairement pavillonnaire, entament leur réflexion sur des modes de densification tout en s’inquiétant de la préservation du patrimoine paysager de leurs communes.
- Le ZAN fait craindre une accélération de la crise du logement et de son abordabilité. Cela affecterait notamment les ménages les plus modestes et les ménages intermédiaires, les “salaires en euros” travaillant dans la région qui cherchent à se loger dans le genevois français, en concurrence avec des salaires suisses beaucoup plus élevés. Le risque serait que la mise en place du ZAN accélère le report résidentiel de ces ménages vers des communes plus éloignées, peut-être même en dehors du Grand Genève. Il serait alors à craindre un effet de “fuite des ménages intermédiaires”, ainsi qu’un “rebond écologique du ZAN” : Alors que le ZAN a vocation à préserver l’environnement, sa mise en place pourrait déboucher sur l’accentuation de l’hypermobilité, les infrastructures de transport, dans la lignée du modèle pavillonnaire basé sur l’utilisation de la voiture
Nous réalisons des entretiens auprès d’acteurs institutionnels, d’élus et de représentants de la société civile, sur l’ensemble de la région transfrontalière du Grand Genève. Cela donnera lieu à une identification et cartographie des acteurs du logement et leur positionnement par rapport au ZAN et aux questions foncières. Comme pour la plaine du Roussillon, autre terrain d’enquête du programme de recherche, la méthodologie du transect nous permettra de parcourir une diversité de territoires aux logiques multiples : urbain, résidentiel, rural ; ainsi que d’étudier l’influence de la dimension transfrontalière sur la production urbaine : une attention sera portée sur le type de bâti, la densité et la continuité urbaine. En l’occurrence nous avons choisi de réaliser un transect traversant le territoire depuis le pays de Gex, en passant par Genève, puis Annemasse, avant d’explorer des communes plus reculées.